Des millions de révoltes (à observer)
MILLIONS est un album politique, au sens noble. Lorsqu'on entend dans En nous, « N'oublie pas ceux qui se lèvent pour nous », on pense aux récents soulèvements survenus partout où les dominés en ont eu le courage. Cette vision est cependant mise en perspective dans Nos armes, écrite suite au lancement des Gilets jaunes : « Nouvelle donne, nouvelle mafia / On ne sait plus à qui se fier ». "Comme aucun des membres du groupe n'a participé à ces manifestations, dit le chanteur Komlan, il aurait été démagogique de tenir un discours de soutien".
Les paroles de
MILLIONS nous invitent souvent à exercer notre esprit critique : «
Avec la France, j'ai appris ce qu'était l'opinion / En Algérie, je me suis tu quand j'avais raison » (
A tort ou à raison). Cette idée de "bonne distance" transparaît également dans les choix musicaux. On y entend
Dub Inc telle qu'on les connaît et qu'on est heureux de retrouver :
Millions, À la fois, À tort ou à raison et ses belles notes de kora distillées par Massa Dembele, ou encore
Chaâbi, chanté en kabyle avec des musiciens traditionnels. Le groupe renoue aussi avec un classique de ses débuts : un enchaînement version vocale - version dub (
My bro, avec l'invité vocal
Million Stylez).
Des millions de frontières (à déjouer)
«
On ne me parle que de territoires / Je trouve ça terrifiant / Car au final je suis Terrien » (
Couleurs). Les limites arbitraires constituent un autre fil rouge de ce nouvel album. Si les frontières physiques ne sont pas toujours une évidence (
À la fois : «
Je me sens chez moi partout et nulle part à la fois »), en tout cas
Dub Inc a su étendre son territoire musical, sur
MILLIONS. Le claviériste
Idir Derdiche a composé des instrumentaux Hip-Hop, ce qui semble avoir inspiré le reste du groupe stéphanois, comme on l'entend dans Fake news,
On est ensemble (où le flow incisif d'Aurélien "Komlan" Zohou se rapproche du rap), ou
Dans ta ville (où Hakim "Bouchkour" Meridja a un couplet au débit impressionnant).
Des millions de vanités (à esquiver)
Le troisième grand thème de ce millésime 2019 est la dictature du faux.
Dub Inc nous interroge : «
D'où vient la vérité quand tout le monde reprend les mêmes mots ? » (
Fake news). Plus que jamais, le libre arbitre est pour le groupe une valeur à sauver, surtout dans un monde de réseaux qui ne partagent «
Que des regards en plastique, que des gestes mécaniques » (
Authentique).
Restent deux grands frissons : une chanson sur les pères disparus (
A tort ou à raison), dont les paroles touchantes sont appuyées par l'écrin rythmique invariablement efficace de
Dub Inc ; et un titre d'une grande délicatesse sur les femmes (
Inès), qui prend au tripes avec juste l'essentiel : une guitare, une voix.